La fabuleuse mine d'AmélieMine de rien, elle se taille un beau parcours, l'Amélie de Vienne (F) qui fait sauter les bouchons pour arroser ses citronniers et nous inventer sa poésie du spectacle et des mots. Sa porte est plume et ses crayons sont magiques. Un oiseau rare qui nous emplume. Envolons-nous…
Annie Gaspard
Jetez-la par la fenêtre, elle reviendra par la porte… du piano. Oui, Amélie a l'imaginaire en poupe. Dans son nouveau spectacle, elle sort de son piano de deux mètres de haut par une petite… porte. La Porte Plume. Justement le titre de son nouveau projet, à la fois spectacle et album. «C'est une porte qui s'ouvre vers autre chose, c'est une nouvelle vie, une nouvelle Amélie-les-crayons puisqu'elle s'est mariée dans son histoire à elle». On ne prend pas les mêmes et on ne recommence pas du côté de Lyon, malgré le succès du premier album Et pourquoi les crayons? (2004) et de la tournée de 200 dates. On explore…
On crayonne d'autres univers, on titille de nouveaux musiciens, on change de décor maintenant qu'on connaît LE mystère: les crayons, c'est… Bourvil et sa fameuse chanson Les crayons. «La vraie histoire, c'est ça. On a voulu entretenir le mystère au début parce que c'était rigolo. Et puis finalement, je peux le dire librement, je pense que si j'étais de la génération de Bourvil, je l'aurais demandé en mariage». Et puis sans doute un soupçon d'ADN d'une maman institutrice qui remplit… le plumier.
Lingère
Une transmission de mère à fille. «Et sous nos ventres ronds/ S'ra t-on les filles de nos mères?/ A mener tout de front/ De manière exemplaire…/ Je ne sais pas si je saurai faire» (Le linge de nos mères). «Je suis à cette époque de ma vie où il est question d'avoir des enfants et je pense que cette période-là est de toute évidence une prise de conscience de ce qu'est la transmission justement, le passage du flambeau». Mais n'imaginez pas que les 15 nouvelles chansons d'Amélie sont du Françoise Dolto.
Ce sont des dentelles de fantaisies acidulées et subtiles, zébrées de poésie et de tendresse. La maigrelette, l'errant, le gros costaud, la dernière fille du monde, le train trois, le citronnier, ils sont tous là. Amélie l'Amorosa…«C'est l'imaginaire de l'enfant qui prend le dessus pour dire que je trouve ennuyeux d'être trop dans le concret. Je me raconte des histoires à moi déjà, je ne peux m'en empêcher. J'ai toujours été habituée à inventer des histoires, à écouter mes parents me raconter des histoires qu'ils inventaient. Ça fait partie de ma culture. Et puis bon, je pense que je suis restée une petite fille qui a besoin de se raconter des histoires de princesses et d'aventures…».
Gai chat
Mais notre gai chat – pardon, notre geisha pour le sang eurasien qui coule dans ses veines – peut brusquement redescendre sur terre pour nous étonner. «Quand tu vas aux toilettes/ Est-ce que tu peux lever la lunette?/ Et si possible viser le trou/ Histoire qu'il n'y en ait pas partout» (Les pissotières). Et si ce n'est pas du premier degré ça!
Une sacrée chanteuse comédienne (elle vient du théâtre de rue) dans une sacrée équipe atypique, libre, passionnée (ça se sent) loin du showbiz délavant. «C'est important que les gens sachent que l'on n'a pas besoin de fantasmer sur Paris ou sur les grandes maisons de disque qui fabriquent des artistes et des stars». On n'est pas «Coup de cœur» (2005), puis Grand Prix de l'Académie Charles Cros (2007) pour rien! Et le digipak superbement illustré par Samuel Ribeyron redonne espoir à la survie du CD.
Oui décidément Amélie est bien du bois dont on fait les crayons de couleur et elle n'a pas à choisir entre comédienne ou chanteuse. Elle est fleuriste. Une magicienne qui transforme les coquelicots en citronniers. Un ci-tron-nier sur le sol…
Amélie-les-crayons, «La porte plume», Neômme/Altho/L'Autre Distribution, 2007 – en tournée jusqu'en 2009 –
www.amelielescrayons.com