la fiction raconte peut être une réalité ancienne et parisienne
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dans la Cité, était une rue tirant son nom de l'hôtel des Marmousets, bâti vers la fin du XIIe siècle et qui prit le nom de rue des Marmousets. On prétend qu'il s'y passa, en 1387, une aventure qui est rapportée par divers historiens, mais dont l'authenticité n'est nullement établie ; nous ne la mentionnons donc qu'à titre de racontar, aucun des chroniqueurs d'autrefois ne s'accordant sur sa véritable date.
On avait vu entrer chez le barbier un écolier
qui venait d'Allemagne.
Voici le fait : Un barbier et un pâtissier tenaient boutique à côté l'un de l'autre et la cave du barbier était attenante à celle du pâtissier dont on estimait fort les pâtés qu'il préparait lui-même, car, malgré la vogue qu'il avait su acquérir, il n'avait qu'un seul apprenti pour manipuler la pâte, sous prétexte de cacher le secret de l'assaisonnement des viandes.
Son voisin le barbier-baigneur-étuviste méritait sans doute aussi la faveur du public, car, bien qu'on vît peu de monde entrer chez lui, il paraissait avoir de nombreux clients pour la saignée ; souvent on pouvait remarquer devant sa porte un ruisseau de sang, contrairement aux ordonnances qui enjoignaient aux barbiers de jeter ce sang à la rivière. Un soir, des cris perçants sortirent de la boutique du barbier, chez lequel on avait vu entrer un écolier qui venait d'Allemagne. Soudain cet écolier reparut, se traînant avec peine sur le seuil, tout sanglant, le cou sillonné par de larges blessures.
On entoura le blessé, on l'interrogea et il raconta comment le barbier, après l'avoir fait asseoir pour le raser, lui avait tout à coup donné un coup de rasoir qui lui entama la chair. Il avait crié, s'était débattu, et à grand'peine il était parvenu à détourner les coups de la lame tranchante, à saisir son ennemi à la gorge et à le précipiter dans une trappe ouverte à côté de lui.
La foule, frémissant d'horreur à ce récit, pénétra dans l'ouvroir du barbier et ne vit rien que du sang à terre, la trappe étant refermée ; mais alors on descendit dans la cave et on trouva le pâtissier voisin, occupé à dépecer le corps du barbier. Cet homme avoua que c'était lui qui avait eu la pensée de s'associer avec le barbier pour assassiner les gens : lorsque quelqu'un venait se faire raser, le barbier le plaçait sur la trappe, lui portait un coup de rasoir à la gorge et le poussait dans la cave, où il n'attendait qu'un signal pour accourir aussitôt et se jeter sur la victime qu'il achevait à l'aide d'un couteau et qu'il dépeçait au plus vite pour faire des pâtés avec sa chair, après l'avoir dépouillé de ses vêtements et de son argent qu'il partageait avec le barbier.
Lorsqu'il avait entendu tomber celui-ci, il s'était hâté de se livrer à sa besogne habituelle, n'ayant pas reconnu son complice. « C'est ainsi qu'il composait ses pâtés meilleurs que les autres, dit le P. Dubreul, d'autant plus que la chair de l'homme est plus délicate, à cause de la nourriture. » La maison fut abattue et l'on éleva à sa place une pyramide expiatoire, en mémoire de cet horrible forfait.
Encore une fois, nous considérons cette légende comme une fable ; les registres du parlement de Paris sont muets à cet égard et nous n'avons trouvé nulle part trace officielle de l'événement.
Quoi qu'il en soit, une pyramide élevée au centre d'une petite place carrée existait, et ce lieu appartenait à Pierre Belut, conseiller au parlement en 1535, car il adressa en cette année une requête au roi qui, au mois de janvier 1536, donna des lettres patentes qui lui permirent d'y faire bâtir et réédifier une maison pour être habitée ainsi que les autres maisons de Paris, « nonobstant, ajoutent-elles, ledit prétendu arrêt, sentence du prévôt de Paris, condamnation de l'hôtel de notre dite ville et autres quelconques qui sur ce, pourraient être intervenues ; auxquels arrêts, sentence de condamnation, avions de notre autorité dérogé et dérogeons par les présentes, et sur ce, imposons silence perpétuel a autre procureur présent et à venir. »
Piganiol de La Force, qui rapporte aussi le fait, tout en le mettant en doute, ajoute : « Quoiqu'on ne trouve nulle part ni information ni arrêt qui parlent de ce prétendu crime, il ne s'ensuit nullement qu'il soit faux, car dans les crimes atroces et extraordinaires il a été toujours d'usage, et il l'est encore aujourd'hui (1765), d'en jeter au feu les informations et la procédure, pour ne point les rendre croyables. »
Ce qui est certain, c'est que cette histoire, vraie ou non, a de fortes racines dans la croyance populaire et, dit à son tour le bibliophile Jacob, « il ne fallut pas moins de la formule royale : car tel est notre bon plaisir, pour que les murmures du peuple ne se changeassent pas en voies de fait contre l'oeuvre des maçons, quoique la rue des Marmousets fût grandement transformée par cette place vide et cette pyramide en ruines ».
La rue des Marmousets ne portait autrefois ce nom que jusqu'à la rue de la Licorne ; le bout donnant dans la rue de la Cité faisait partie de la rue des Oublieurs. Elle fut supprimée en 1867 pour la construction du nouvel Hôtel-Dieu. On lit, à propos de cette rue, dans le traité de la police, qu'au commencement du règne de Louis XIV les rues de Paris étaient encore tellement fangeuses que l'air en était infecté.
les maisons des criminels ont été rasées et maintenant c'est l'hôtel Dieu...